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L’ouvrier de Colfontaine trichait sur le pointage, touchait des indemnités indues, passait des heures chez lui au lieu de travailler, conduisait les véhicules de l’institut malgré l’interdiction, multipliait les infractions routières, conduisait de manière dangereuse…

FRANÇOISE DE HALLEUX

Ce n’est pas une faute grave mais plusieurs fautes graves qui ont mené la ministre de l’Environnement Céline Tellier à signer le C4 de cet agent de l’Issep, l’institut scientifique de service public qui dépend de la Région wallonne. Cet agent, un ouvrier­préleveur, était souvent envoyé en mission sur le terrain pour effectuer des prélèvements dans le cadre de pollution, etc. Mais des soupçons planaient sur sa façon de fonctionner, de déclarer ses heures prestées, si bien que l’Issep a engagé deux détectives privés pour y voir plus clair. On le soupçonnait d’exercer une activité complémentaire durant ses heures de service et sans autorisation.

Après quatre jours de filature menée en août 2022, les détectives ont découvert bien d’autres écarts, très peu reluisants…

Tout cela a permis à son employeur de monter un dossier disciplinaire et à la ministre de lui signifier, au final, une démission d’office (licenciement). L’ouvrier a été viré le 6 juillet dernier.

Alain (prénom d’emprunt) travaillait depuis 36 ans à l’Issep. Il était attaché au site de Colfontaine (près de Mons), localité où il habite. Son licenciement intervient à quelques jours de son congé préalable à la retraite, un beau gâchis !

Interdit de conduite

Ses premiers ennuis interviennent en mars 2022. Suite à de multiples p.­v. de roulage, la directrice lui interdit de conduire les véhicules de l’institut. Puis une dénonciation arrive : Alain exercerait une activité complémentaire durant ses heures de service.

En juin 2022, et afin d’en avoir le cœur net, la Région wallonne décide de mettre des détectives privés sur le coup, elle signe une convention avec la société Detectivebelgique.be.

Les 9, 10, 23 et 24 août 2022, Alain l’ignore mais il est alors suivi par deux détectives privés qui noteront tous ses faits et gestes, images à l’appui (lire ci-­dessous). Et que constatent-­ils ? Qu’il prend le volant en mission alors que cela lui est formellement interdit.

En fait, un collègue conduit pour sortir du site de Colfontaine puis cède sa place à Alain quelques kilomètres plus loin. Autre gros souci : après une mission en matinée, il ne rentre pas à l’Issep mais retourne chez lui pour ne réapparaître à l’Issep que vers 14 heures.

Le 23 août par exemple, il a terminé une mission à Charleroi à 9 heures 30 mais n’est rentré à l’Issep à Colfontaine qu’à… 14 h 12.

Qu’a-­t-­il fait entre­temps ? Il est allé à Mons effectuer un achat personnel chez Krefel, puis est rentré chez lui à 10 h 23 pour ne quitter son domicile qu’à 13 h 58 seulement. Ce coup­-là, il l’aurait fait une trentaine de fois sur les 5 mois analysés par sa hiérarchie. Cela lui permettait de déclarer des heures de travail qu’il ne prestait pas, mais aussi de gagner de l’argent frauduleusement…

« Les pointages systématiques après 14 heures lors de missions montrent une pratique malhonnête de pointage qui sert à couvrir votre présence non autorisée à votre domicile pendant des heures de travail (…) Ce système vous permet aussi d’obtenir une indemnisation mensuelle conséquente », lit­-on dans le dossier disciplinaire.

Il faut savoir en effet que le code de la fonction publique prévoit une indemnité forfaitaire journalière de 8,11 euros, pour tout déplacement d’une durée ininterrompue de plus de 3 heures qui comprend entièrement la 13e et la 14e heure du jour. Sur les seuls mois d’avril, mai et juin 2022, Alain aurait ainsi perçu une somme indue de 243,90 euros !

Confiance rompue

Bref, pour la Région wallonne, la confiance est rompue. 

L’indélicat ouvrier a introduit un recours en suspension devant le conseil d’État contre sa démission d’office, sous prétexte notamment que l’agence de détective privée avait été choisie sans respect des procédures relatives aux marchés publics. Mais Alain a été débouté. Une requête en annulation a aussi été déposée, elle sera examinée ultérieurement.

Il passe au feu rouge, dépasse à un passage à niveau… : tout a été filmé !

Parmi les nombreux griefs reprochés à Alain, figure son attitude agressive au volant, qui va à l’encontre de la charte de bonne conduite de l’Issep. Cette charte prône le respect du code de la route, la courtoisie au volant et le respect des véhicules. Alain a fait tout le contraire, comme le démontrent trois vidéos tournées par les détectives. Ceux­-ci notent qu’Alain a eu une conduite agressive en collant de près un camion qui le précédait, en essayant de le dépasser coûte que coûte.

Il a fini par le dépasser en coupant une ligne blanche et en se rabattant d’un coup sec ce qui a provoqué des coups de klaxon. Il a aussi commis plusieurs excès de vitesse (88 km/h au lieu de 70 ; ou 76 km/h au lieu de 50), ce qui a mis les détectives en difficulté de le suivre…

Alain a aussi dépassé un véhicule en manquant de l’accrocher, il a même dépassé une voiture sur un passage à niveau ! Cerise sur le gâteau : il a brûlé un feu rouge.

Image déplorable

Tout cela sur seulement 4 jours de filature ! 

Notons qu’il a été filmé par l’avant par le premier détective et par l’arrière par le deuxième détective. La Région wallonne retient que par sa conduite, Alain a pu donner une image déplorable du service public, et plus encore de l’Issep.